Ce jour-là j’étais en train de traîner sur mon
vélo, comme tous les gamins de mon village pendant l’été. Mais cette fois-là on
était allé plus loin du bourg, le long de rue Mairano en sortant du
centre vers la campagne. On se baladait assis sur la selle et par hasard on se
promenait le long de la descente qui portait au cimetière du Montechiaro.
Voilà, c’était ça le nom de mon village, et en effet l’été là-bas c’était vraiment
comme dans un mont-clair ! Le soleil éblouissait. Pour cette raison-là il
fallait tenir une casquette au-dessus du visage et moi, en pédalant tout doux,
tout sage, attentif au mouvement de la roue sur l’asphalte, je me faisais
baigner le visage par l’air pur de la campagne jusqu’au début de la côte d’une petite ruelle, qui se cachait
en descendant sur la gauche, parmi des palissades et des prairies d’élevage
côtoyées de vignobles.
En montant péniblement le chemin de terre on
entendait un petit frôlement qui freinait et frottait en ronronnant contre la
roue arrière. Alors, en me penchant en arrière j’ai vu, entre les rayons, des
brins d’herbe qui frottaient, me faisant perdre l’équilibre et détourner les
yeux de la fin de la venelle ! Pour cette raison-là, ça m’étonnait encore
plus fort d’apercevoir, après un léger virage qui descendait la colline comme
une écharpe autour du cou d’une femme, la petite église romane de Saint
Nazaire.
J’étais loin d’imaginer que sur le territoire de
mon village, au lieu dit Mairano, il y avait un si beau témoignage de
l’art roman du XIIème siècle.
Comme j’étais petit, je ne savais pas reconnaître
tous les éléments d’un édifice religieux médiéval: les arcs clavés, les voûtes
en cul-de-four, les berceaux plein-cintre, les colonnes engagées, les bandes
lombardes ou les petites baies qui éclairaient faiblement l’église.
Toutefois j’étais ébloui par la présence de cette
œuvre d’art aménagée sur le monticule naturel – qu’aujourd’hui j’appellerais
« motte » – entourée d’une « hutte » d’arbres qui cachait
l’abside et les façades latérales.
La partie la plus imposante de l’église, qui
conduisait nos regards vers le haut, était le clocher, très massif, comme s’il
était une tour de défense transformée en construction pour abriter des cloches,
et en plus, séparé de l’église, comme dans la tradition de l’art roman italien.
De plus, j’interprétais cette tour avec son plan carré, avancé par rapport à la
façade, comme une présence qui protégeait la petite église du vent froid du
nord qui, d’ailleurs, blessait la façade latérale nord.
Je scrutais que son blanc manteau de pierre
calcaire s’alternait, sauf dans le soubassement réalisé entièrement en pierre,
aux assises de briques au fur et à mesure qu’on montait vers le toit en
pavillon. Les façades de la tour, caractérisées par trois différentes corniches
formées de petits arcs en briques et grès (arcatures aveugles), étaient
encadrées de pilastres engagés angulaires, tandis que les trois rangées des
appareils maçonneries étaient scandées d’élégantes fenêtres à double baie ou
baies géminées qui occupaient le deuxième et troisième étage. Par contre, au
premier étage on voyait une étroite baie en arc réalisée avec une seule pierre
qui semblait plutôt une meurtrière !
La façade de l’église était tout simplement
merveilleuse. Comme dans la tour, elle était encadrée par deux pilastres
engagés angulaires jusqu’au pignon, décoré d’une frise en arcatures aveugles
croisées et montant selon les versants du toit. Au dessous, une croix en terre
cuite et puis un singulier portail avec des voussures en grès décorées selon le
goût du Moyen-âge : un archivolte entrecroisé comme dans l’architecture
islamique, un arc décoré par des cornes d’abondance - selon la matrice
culturelle classique - et un arc en briques à dents de loup. En voyant l’arc
outrepassé du portail cela me faisait penser au style arabe espagnol! Les
piédroits en pierre calcaire avaient aussi au sommet deux chapiteaux décorés.
À cause de la fermeture de l’église, on ne pouvait
pas voir l’intérieur, mais en faisant le tour le long de la façade latérale on
comprenait que ce n’était pas une église à plusieurs vaisseaux. En plus on
savait qu’en 1847-49 la partie de l’église fut désassemblée parce qu’elle
allait tomber en ruines, donc l’église a été reconstruite un peu plus petite
par rapport à l’originale.
Ce jour-là j’ai constaté que la nature et
l’histoire sont les deux grands domaines où se cache notre mémoire ! Alessandro
Cutelli
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